Philippe Gillet travaille avec Julie Salaber (Richmond University, London) sur les fonds d’investissements socialement responsables et religieux. À ce jour, ils ont tiré de cette étude un chapitre académique[1] et un article[2].
Les fonds d’investissement éthiques ou confessionnels permettent aux investisseurs institutionnels ou individuels de concilier investissement rentable et respect de leurs convictions morales ou religieuses : en effet, ces fonds s’engagent auprès des investisseurs à ce que leur épargne ne finance pas des entreprises dont ils réprouvent le comportement, ou, au contraire, souhaitent que leur épargne se focalise sur des investissements qu’ils jugent positifs pour les valeurs qu’ils défendent (valeurs personnelle, sociales ou confessionnelle). Ce faisant, Ils ajoutent donc une nouvelle contrainte, d’ordre extra-financier, à la contrainte financière de limitation du risque.
Les premiers fonds éthiques sont nés en 1928 à l’initiative des églises américaines : Ils étaient à l’origine destinés aux congrégations religieuses pour qui il n’était pas envisageable d’investir dans des activités prohibées par la morale chrétienne, comme le jeu, l’alcool ou la pornographie. Se sont ensuite développés des fonds laïcs, toujours aux États-Unis, qui s’engageaient à ne pas investir dans des entreprises participant ou finançant la guerre du Vietnam. Pour leurs parts, les fonds islamiques sont apparus en Malaisie à la fin des années 60. Ils bénéficient aujourd’hui de la manne pétrolière des pays arabes et sont en fort développement en Arabie Saoudite et dans les émirats, mais également à Londres ou aux États-Unis. Aujourd’hui, les fonds éthiques gèrent plus de 250 milliards de dollars et ces fonds gérés sont en constante augmentation. Les fonds confessionnels se trouvent essentiellement aux États-Unis (fonds chrétiens) et dans les pays musulmans, essentiellement en Malaisie, en Arabie Saoudite ou dans les pays du golfe, alors que les fonds ISR, fondés sur le respect de l’environnement et des droits de l’homme se situent en Europe, essentiellement en Europe du Nord.
Les fonds d’investissement islamiques ont connu ces derniers temps les feux de l’actualité. Aux dires de certains, la particularité de ces fonds -et en particulier des fonds islamiques- leur aurait permis de limiter les effets néfastes de la crise économique de 2008 (Jouini et Pastré 2009). Ils seraient donc plus résilients que les autres fonds d’investissement. Dans une étude économétrique, nous avons comparé les rentabilités, risques et autres « stylized facts » des échantillons de fonds ISR, confessionnels, et traditionnels avant, pendant et après la crise de 2008. Les résultats de cette étude sont contrastés : dans un sens, les statistiques semblent montrer que le comportement des fonds éthiques n’est pas différent de celui des fonds traditionnels. Des études plus poussées de corrélation de rang montrent toutefois une légère surperformance des fonds éthiques. Les signaux faibles sembleraient donc aller vers une légère surperformance des fonds éthiques alors que les signaux forts n’en montrent pas. D’un autre côté, concernant la crise de 2008, la plupart des observateurs n’ont pas pris en compte le fait que les fonds islamiques n’investissent jamais dans le secteur financier qui, pour respecter les principes de l’Islam, leur est interdit. Or la crise de 2008 a essentiellement touché le secteur financier. Les fonds islamiques se sont donc retrouvés par construction peu touchés par cette crise. Nous poursuivons donc notre travail dans ce domaine et la crise grecque qui touche par ricochet les marchés européens nous donnera probablement un nouveau terrain d’études.
[1] The Recent Developement and Performance of Ethical Investments, Handbook of Social and Sustainable Finance, Oxford Academic Ed.
[2] Are Ethical Funds More Resistant to Crisis than Conventional funds?, VICIF 2015